Sans-titre-1 "Project Lightning" de Twitter : quelle place pour les marques ?
Dans sa course effrénée vers la rentabilité, Twitter ne manque pas d’ambition et d’idées pour multiplier la mise en place de nouveaux services innovants et attractifs. Avec « Project Lightning », le réseau compte s’appuyer sur ce qui fait sa force : l’instantanéité. Le partage de contenu en temps réel, en provenance de sources multiples et diversifiées, lui offre un fort potentiel médiatique et va lui permettre de mettre les évènements et l’actualité à l’honneur grâce à cette nouvelle fonctionnalité. Fonctionnalité que les annonceurs vont pouvoir greffer à leur stratégie social media, en collaboration avec une agence social media. De quoi conduire les marques à réfléchir sur l’adaptation de leur ligne éditoriale à cette tendance ?

Twitter comme source accessible d’information de qualité

Le Project Lightning offre à tous les internautes, inscrits sur le réseau ou non, la possibilité de consulter les thématiques de la journée via une plateforme dédiée sur laquelle est regroupé tout le contenu relatif à ces actualités. Le réseau devient ainsi plus accessible puisqu’il n’est plus nécessaire d’être inscrit pour découvrir les messages importants et les évènements populaires qui génèreront une masse conséquente de tweets sur le sujet. Du suivi des personnes, on bascule vers le suivi des thématiques. Les hashtags le permettaient déjà, mais non sans limite.

En plus de l’accessibilité, l’objectif est d’opérer un saut qualitatif dans la manière d’appréhender un évènement sur le réseau : lui offrir davantage de lisibilité et de cohérence. L’intérêt du projet réside dans sa capacité à délimiter un cadre et offrir une réelle structure et un fil rouge à une actualité qui n’est plus à deviner à la lecture d’un amas informe de hashtags désordonnés apparaissant au sein d’interventions souvent décontextualisées. Plus immersive, cette méthode offre un meilleur accès, plus efficace, aux grandes histoires qui animent une journée, en regroupant les meilleurs tweets, vines, photos ou vidéos qui leur sont relatifs.

Pour certains, ce projet s’inscrit dans la lignée de l’évolution naturelle de Twitter qui n’est plus seulement consacré à l’humeur et les pérégrinations de chacun à un moment précis mais est devenu un espace où une foule d’individus interconnectés regardent leur monde changer. Un espace où la guerre en Syrie comme le changement de sexe de Bruce Jenner sont devenus des expériences globalisées. Mais pour que la qualité dans la restitution de l’évènement soit au rendez-vous, le travail de tri et de curation du contenu ne peut plus être confié à de simples algorithmes.

L’arrivée de la subjectivité dans le traitement du contenu

Le grand changement avec Project Lightning demeure l’implication de personnes réelles dans le processus de curation qui va être exécuté manuellement. A l’instar d’une rédaction, les futurs employés vont délimiter une ligne éditoriale parmi les tweets et juger lesquels sont digne d’intérêt et devraient figurer dans l’espace dédié à la thématique. Peu importe le nombre de retweets ou de followers de l’auteur d’un message, celui-ci ne figurera dans le flux que si ces nouveaux censeurs l’auront décidé. L’entrée dans la subjectivité pour ce qui pourrait être un équivalent plus élaboré des trending topics est une nouveauté fondamentale dans l’histoire du réseau.

C’est dans cette perspective que Twitter s’est lancé dans le recrutement de journalistes et d’éditorialistes, métiers les mieux placés pour s’acquitter de la tâche. Avec cette stratégie, bonifiée par l’expertise des professionnels de l’information, le réseau de microblogging espère intéresser davantage d’internautes, les fidéliser et donc augmenter le taux de retweet et d’engagement, éternel graal pour tout réseau qui se respecte.

Les marques peuvent-elles avoir un rôle à jouer ?

Certains voient dans le projet un bouleversement de l’ADN de Twitter. Techniquement, le réseau continue de montrer ce qu’il se passe en temps réel, mais la sélection opérée en amont par les équipes implique la mise à l’écart d’autres publications, jugées peu ou moins pertinentes. Le tableau chargé de relayer la perception d’une actualité n’est alors plus réellement complet dans le sens où un bon nombre de profils ont été ignorés. Il a été ajusté. Qu’en est-il pour les marques ? Rentrent-elles toujours dans ce fameux tableau et dans la nouvelle tendance qui se dessine?

Si la tendance se confirme, que le projet prend de l’ampleur et que la curation de contenu effectuée par les équipes du réseau ne traite que des sujets jugés pertinents pour apporter une meilleure compréhension de l’actualité, la question de la place du drôle, de l’entertainment et de la puissance narrative de certaines marques – qui ne traitent pourtant pas toujours de sujets sérieux, cruciaux ou même populaires – se pose. Les marques pourraient, pour conserver leur visibilité, basculer elles-aussi vers un statut de média pour continuer d’exister sur Twitter. De quoi les faire entrer un peu plus dans l’ère du newsjacking et des articles de fond.

Puisque Twitter cherche à trouver sa rentabilité, le Project Lightning pourrait faire l’objet d’achat d’espace par les marques, désireuses d’arriver à tout prix à figurer dans le flux des tweets sélectionnés pour raconter un évènement. Qu’il s’agisse du compte d’une radio pendant les victoires de la musique ou celui d’un équipementier pendant une étape du Tour de France, les places peuvent valoir cher. Le lancement du projet prévoit le traitement de 7 à 10 actualités par jour sur la plateforme : de quoi laisser un peu de place aux annonceurs et aux évènements marketing en période creuse ?


Le Project Lightning marque une évolution du réseau qui n’est pas négligeable. A court et moyen terme, les conversations traditionnelles, le buzz, les jeux concours et autres légèretés ne sont pas menacés et les marques auront toujours la part belle sur Twitter. Cependant, les annonceurs se doivent d’être attentif aux changements qui seront apportés et à la tournure que pourrait prendre l’application du projet. Des pratiques non anticipées émergent souvent. Pas d’urgence pour le moment : Twitter ne sait même pas quand « Project Lightning » sera concrétisé.